27. Le groupe et la santé
“ L’intégration de l’individu
dans le tissu social est cruciale pour sa bonne santé et
son bien-être mental ” É. Durkheim.
Cultivez vos relations familiales et
amicales. Rencontrez vos proches régulièrement à l’occasion
de moments de détente et de loisirs. Développez
aussi des activités de groupe avec d’autres
personnes dans les contextes qui vous intéressent.
Dans les années soixante, des chercheurs
ont identifié la ville des États-Unis où était
enregistré le plus faible taux de mortalité de
maladies cardio-vasculaires.
Les habitants de cette petite ville
issue de l’immigration italienne, Roseto, en Pennsylvanie,
connaissaient trois fois moins de décès par crise
cardiaque chez les hommes et près de quatre fois moins
chez les femmes, comparativement à la moyenne nationale.
De plus, la mortalité par d’autres pathologies
comme les ulcères et l’hypertension y était
très peu développée.
En s’y rendant, les médecins s’imaginèrent
une parfaite hygiène de vie de ses habitants : une alimentation
saine et équilibrée, peu de consommation de tabac
et d’alcool... Leur surprise fut grande lorsqu’ils
découvrirent qu’à ces niveaux rien ne différenciait
ces personnes des autres sur le territoire. Ils mangeaient, buvaient
et fumaient plus que de raison ; avaient autant de cholestérol,
d’hypertension et de diabète que les autres.
La seule différence mise en évidence était
la qualité du lien social. Les relations familiales, très
unies, s’établissaient sur la solidarité.
Les personnes âgées étaient appréciées
et considérées avec respect.
“ Cette qualité de cohésion s’étendait
aux voisins et à la communauté dans son ensemble. ” (191)
Pour le Dr Denis Jaffe qui relate cette étude
: “ La perte de contact intime et significatif
avec sa communauté, avec l’amour et l’affection
des autres, avec un sentiment de cohésion intérieure,
la perte de tout sens donné à la vie engendrent
la maladie. Celle-ci est l’excroissance d’une crise
sociale, spirituelle, existentielle. ” (192)
D’où l’importance, dans
la mesure du possible, de privilégier les contacts sociaux,
les activités groupales, etc. pour profiter d’une
meilleure santé.
Comme l'observe le docteur Badoux, chercheur
au CNRS, "de bonnes relations sociales permettent à l'individu
de mieux s'adapter aux événements stressants de
la vie et (...) d'en diminuer l'impact nocif." (193)
Elle estime que le support social joue "un
rôle important pour la santé, son maintien ou
son rétablissement." (194)
Au travers de nombreuses études épidémiologiques,
envisageant les pathologies et leur morbidité sur de grands échantillons
de population, il apparaît que les célibataires
ont un taux de mortalité, toutes causes confondues, bien
plus élevé que les couples.
Dans le même ordre d’idées,
de nombreuses recherches montrent une appréciable corrélation
entre une survie plus importante et un réseau psychosocial
fort, c’est-à-dire un groupe de personnes proches
sur lesquelles il est possible de compter en cas de difficulté.
Ainsi, des chercheurs observent sur une population
de 4775 adultes un risque de mortalité deux fois plus
important chez les sujets à faible réseau social.
(195)
Une autre étude montre, sur une population
de 2754 sujets, que le réseau social déficitaire
correspond à une mortalité 1 fois et demie à 2
fois plus élevée chez les femmes et 2 à 3
fois plus élevée chez les hommes. (196)
Ces résultats sont confirmés
par de nombreuses recherches ultérieures.
Rubberman (1984) observe, sur un échantillon
de 2320 personnes ayant connu un infarctus, que l’isolement
social augmente le taux de récidive fatale dans les trois
années consécutives à la première
attaque.
Bucher (1994) confirme ces résultats
en envisageant une cohorte de 11675 primo-infarctés.
Ce n’est probablement pas un hasard si
dans les civilisations premières le châtiment suprême
n’était pas l’exécution mais le bannissement.
Véritable enfermement dans le reste du monde, en dehors
des liens sociaux de la collectivité, le criminel était
condamné à l’exclusion de sa tribu nourricière
et devenait privé de tout contact avec les autres, privé de
toute utilité.
Les travaux du Docteur Badoux étayent
cet argument : “ Les personnes isolées révèlent “ un
degré élevé de psychopathologie, particulièrement
de dépression avec idées suicidaires, une sensibilité exacerbée
aux stress et un mal-être généralisé. ” (197)
Glass et Maddox (1992) étudient quant à eux
les personnes ayant connu des attaques cérébrales.
Ils observent que ceux qui bénéficient d’un
support social élevé améliorent leur statut
fonctionnel d’une façon spectaculaire, malgré un
pronostic pessimiste des médecins.
Ces chercheurs estiment que le rôle du
soutien émotionnel apporté par l’entourage
peut s’avérer déterminant pour réinstaurer
une meilleure estime de soi.
La confiance communiquée à la
personne malade accélère alors sa récupération
ainsi que sa réhabilitation.
Dans le cas du cancer également, la
qualité du soutien social favorise une meilleure adaptation
au stress et en diminue l’impact nocif. (198) Un meilleur
soutien familial perçu est associé à une
augmentation significative de l’espérance de vie.
(199)
Il en va de même pour le sida. Le social
agit décidément sur la biologie. Un réseau
de soutien social fort est corrélé avec de hauts
niveaux de lymphocytes T4, ce qui augmente l’espérance
de vie. (200)
Dans un ouvrage collectif, réalisé par
les Prs Bruchon-Schweitzer et Dantzer, “ Introduction à la
psychologie de la santé ”, Nicole Rascle estime “ qu’il
convient de distinguer le réseau social (nombre d’amis
et de relations), le soutien reçu (comportements effectifs
de soutien) et le soutien perçu (disponibilité,
satisfaction). ” (201)
Toutefois, au travers de ces différents
vecteurs d’analyse, il lui apparaît que le
facteur protecteur privilégié est le soutien reçu " de
type émotionnel qui semble être le plus bénéfique
pour les individus ” (202)
Au travers d’une épreuve, quelle
qu’elle soit, le soutien de l’entourage proche est
déterminant. Ce que Winnicott a appelé “ holding ”,
littéralement le fait de prendre dans ses bras, permet à chacun
de se sentir soutenu et de percevoir ses émotions contenues
dans la relation. Il est alors possible de retrouver progressivement
bien-être et confiance.
C’est peut-être le point de jonction
psychophysiologique dans la relation entre support social et
santé. La relation d’aide apporte un soutien émotionnel,
une possibilité de partager le poids de ses difficultés.
Verbalisée et contenue par l’empathie
de l’autre, l’émotion perturbatrice créée
par le stress perd de son intensité et s’estompe.
Ainsi le soutien social agit comme un moyen de gérer son
stress et améliore l’état de santé.
1°) Sur votre journal de bord, décrivez
les qualités des personnes que vous connaissez ou que
vous aimeriez rencontrer.
2°) Imaginez les activités que
vous pourrez réaliser, en fonction de vos goûts
et des leurs (dîners, promenades, sorties culturelles,
activités sportives ou de loisirs...).
Notez ce que vous pourriez leur proposer.
Contactez-les pour organiser des rencontres.
3°) De même, contactez les associations
proches de votre domicile et renseignez-vous sur leur programme
d’activités.
Choisissez ce qui vous intéresse et vous motive et inscrivez-vous
dans ce qui vous paraît le plus adapté à vos envies.
4°) Développez également
des activités de bénévolat dans les structures
d’aide aux personnes en difficulté que vous auriez à cœur
d’aider à votre tour.
Créez de nouveaux
objectifs à votre existence, en lien avec d’autres
personnes, et réalisez-les.
Dans la continuité de ce facteur essentiel,
qu’est le soutien émotionnel, l'attitude
psychologique joue également un rôle qui semble déterminant.
________________________________________
(191) Jaffe D. (1981). La
guérison est en soi. R. Laffont. 312 p. (p. 167).
(192) Ibid p. 168.
(193) Badoux A. (1995). Le
support social, ses liens avec la santé : recherches
- concept - méthodologie. CREDA. (p 11).
(194) Ibid p 14.
(195) Berkman L. F. & Syme S. L. (1979).
Social networks, host resistance and mortality a nine-year follow-up
study of Alameda County residents. Amer. J. Epidem., 109,
p. 186-204.
(196) House J. S., Robbins C. & Metzner
H. L. (1982). The association of social relationships
and activities with mortality : prospective evidence from the
Tecumseh Community Health Study. Amer. J. Epidem., 116,
p. 123-140.
(197) Perrudet-Badoux A., Chiche J.,
Duchanel D. & Raveau F. (1992). L’isolement
social : ses conséquences psycho-pathologiques. Psychol.
Med., 24 n° 1. p. 58-62.
(198) Bloom J. R. & Kessler L. (1990). The
continuity of social support following cancer : further evidence
for the social activity hypothesis. - XV International
Congress on Cancer , Hamburg, Germany.
(199) Levy S. M., Herberman R. B.,
Lippman M., d’Angelo T. & Lee J. (1991).
Immunological and psychosocial predictors of disease recurrence
in patients with early-stage breast cancer. Behavioral Medecine.
p 67-65.
(200) Persson L., Hanson B. S., Osterben
P. O., Moestrup T. & Isacsson S. O. (1991). Social
network, social support and the amount of CD4 lymphocytes in
a representative urban Swedish population of HIV seropositive
homosexual men. Poster présenté à la
VIIe Conférence Internationale sur le sida, Florence.
Straits-Tröster K. A., Patterson
T. L., Semple S. J., Temoshok L., Roth P. G., McCutchan J.
A., Chandler J. L. & Grant I. «HIV neurobehavioral
research center (HNRC) Group (1984). The relationship
between loneliness, interpersonal competence, and immunologic
status in HIV-infected men. Psychology and Health, 9,
205-219.
(201) Bruchon-Schweitzer M. & Dantzer
R. (1994). Introduction à la psychologie
de la santé. PUF. Psychologie d’aujourd’hui.
220 p. p. 131.
(202) Ibid p. 135.
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