15. La force de la prière
“ La vie est une aventure où l’on
fait l’apprentissage du pardon. Rien ne sème autant
la confusion dans l’âme humaine que le remords, le
ressentiment ou la rancœur. Les émotions négatives
obscurcissent la pensée de façon terrifiante, bloquent
nos perceptions et s’opposent à la réalisation
de nos projets et de nos désirs. ” Norman Cousins.
(86)
« Les miracles ne violent pas les
lois de la nature mais le peu que nous en savons. » Saint
Augustin.
« Je le panse. Dieu le guérit. » Ambroise
Paré.
“ Toute idée conçue
dans l’âme est un ordre auquel obéit l’organisme
: ainsi, la représentation de l’esprit produit
dans le corps, ou une vive chaleur ou le froid ; elle peut
engendrer ou guérir la maladie. ” Saint
Thomas d’Aquin. (87)
Quand on plonge dans l'histoire, il est possible
de constater que l’une des pratiques les plus anciennes
est celle de la prière, dénominateur commun de
toute religion. Lorsqu’il ne semble plus y avoir d’issue à un
problème existentiel, le recours ultime du croyant ou
du plus athée est ce recueillement.
Chacun se centre sur soi, se concentre sur
l’espoir de voir la difficulté disparaître,
faisant appel aux dieux ou à sa propre divinité.
L’espoir fait vivre et la foi soulève les montagnes.
Chacun évoque, en fonction de la cosmogonie à laquelle
il adhère, ses parents disparus, ses dieux ou ses apôtres.
Depuis Jésus, de nombreux saints
pardonnaient les fautes et guérissaient les malades.
Au travers de très nombreuses religions, la foi et le pardon constituent
les clés du processus de guérison.
Aujourd'hui encore, en France, l'église
catholique réunit chaque année un comité de
spécialistes chargés de statuer sur le caractère
miraculeux de rémissions observées, entre autres, à Lourdes.
La foi et la croyance jouent un rôle
parfois déterminant dans les processus de maladie et
de santé.
Une expérience personnelle fut à l’origine
de mon intérêt pour ces liens qui unissent l’esprit
et le corps. Un vieux souvenir chargé d'intensité dramatique
qui est devenu un moment fondateur de ma vie, car j'aurais dû théoriquement
la perdre. En toute logique, le cours de cette histoire aurait
dû être tout-à-fait différent. Et pourtant...
La voici :
J’avais une douzaine d’années
lorsque je découvris l’Espagne avec mon ami Fernando.
Les vacances se passaient pour le mieux et nous nous découvrîmes
un nouvel intérêt commun : la pêche.
Nous décidons alors d’aller ramasser des vers dans l’estuaire
vaseux d’une rivière.
Nous progressons dans ce bourbier mi-joyeux,
mi-inquiets. La vase devient collante et aspire nos pieds. Je
me tourne, perd un instant l'équilibre, puis le reprend
in extremis au prix d'un déhanchement burlesque qui arrache
mon pied nu de la vase. Au fond du trou, ma chaussure se noie
dans l'eau noire. Je me penche pour la repêcher mais mon
autre pied s'enfonce dans la gadoue jusqu'au genou. J'enrage.
Tentant de prendre appui sur mon pied nu, je le sens comme aspiré,
englouti par la boue.
Un cri strident me sort de cet effort tendu.
Mon cri. Instantanément, une douleur vive comme une décharge électrique
me déchire le pied. La douleur est si crue que je crois
devenir inconscient. Je l'extirpe affolé et vois le trou
de vase se remplir de mon sang. Vision de cauchemar.
Je jure comme un charretier, j’enrage d’avoir eu cette idée
saugrenue et je maudis la planète entière et la vase en particulier.
Une peur panique me gagne. Je m'affale dans
cette glu immonde, me relève et retombe. À petits
jets réguliers, mon pied sème des étoiles
de sang sur la sombre mélasse.
Choqué, Fernando a gardé la mimique
de son rire figée sur le visage. Son regard est perdu,
terrifié. Je rampe et nage à moitié jusqu'à une
terre plus ferme. Je me relève, sautille et gémit.
De minces filets de sang s'écoulent et se fondent dans
la boue.
Animé d'une angoisse sauvage, je bondis,
tombe et me relève, impuissant à retenir cette
vie rouge qui s'échappe de mon pied entre mes mains crispées.
La terre ferme, enfin. Fernando blême, interdit, bredouille.
- Ça va... Dis, ça va ?
Mes lamentations se transforment en hurlement : - Nom de Dieu de nom de
Dieu... Non ça va pas !
Je m'accroupis, arrache des poignées
d'herbes dans un réflexe instinctif et colmate cette plaie
brûlante. Des larmes de rage et de frayeur coulent de mes
yeux. Une douleur, pointue comme un poignard, s'élance
de mon pied. La blessure s’avère vraiment profonde.
J’aperçois alors une sorte de
container à demi enterré et j’ai la stupide
idée d’aller m’y rincer. Chaque sautillement
sur ma jambe valide m'arrache un gémissement. Le container
est rempli d'une eau sombre et stagnante. Inconscient du danger,
je glisse mon pied sanguinolant dans le fangeux liquide. Le contact
avec l’eau, fut-elle croupissante me fait pourtant du bien.
Je respire un peu mieux. Entre temps, Fernando a récupéré la
chaussure et la lave dans une flaque d'eau.
L'eau de la cuve devient rose par volutes. À sa surface danse toute
une colonie de bestioles excitées par cet aliment inespéré.
Ce bouillon de culture tiède commence à me
démanger la plaie. Je m'en éloigne en clopinant
et me laisse tomber sur l'herbe grasse.
-Tiens ! Ta chaussure, dit Fernando en me tendant
une drôle de chose grise et ratatinée, je l'ai lavée
comme j'ai pu.
- Merci.
Tu sais, il y a un hôpital plus loin, tu pourras marcher ?
- Non, non, pas d'hôpital. C'est rien du tout. C'est rien. Une compresse
d'herbe et ça va aller jusqu'à la maison.
- Tu rigoles. T'as vu les litres de sang que tu as perdu ?
- N'en rajoute pas, c'est bon.
Je pâlis encore. Un autre souvenir de
torture revient à mon esprit. Un de ces moments si chargé d'émotion
qu'il devient vivant et inaltérable dans la mémoire.
La tête me tourne comme dans un manège. Je retrouve
ce terrible moment, vécu quelques années auparavant.
Mon brave chien est attaqué par un autre. Je tente de
les séparer. Dans la bataille féroce, des crocs
se plantent dans ma main droite et la déchirent comme
du papier à cigarette. Alors c’est l’hôpital.
Cette pièce blanche emplie d’odeurs d'éther
et de Javel. Des instruments chirurgicaux reposent sur une tablette.
Un gros médecin ressemblant à un charcutier m'injecte
dans le bras un douloureux produit, prélude à cinq
points de suture dans la chair à vif de ma main, gonflée
et déchiquetée par la morsure. L'horreur.
- Non, non. Pas d'hôpital, merci. Je...
J'ai déjà donné.
La peur m'étreint. L'idée de la souffrance décuplée
par la course sinueuse d'une aiguille dans la plante de mon pied me terrifie
et me terrasse. La torture que j'imagine me fait blêmir encore.
Je pense : - c'est un cauchemar. Je vais me
réveiller.
Comme poussé par un instinct mystérieux,
je demande à Fernando de me laisser seul quelques instants
et me recroqueville sur moi-même, comme un escargot. La
douleur aiguë et bouillonnante enfonce cruellement ses crocs
dans ma chair. Désespéré, et ne sachant
que faire, je ferme les yeux et rentre profondément en
moi-même.
L'image de ma grand-mère apparaît.
Une bouée de sauvetage dans le déluge. Une petite
femme que quatre-vingts années de vie, d'immigration et
de reconstruction ont sculptée dans le recueillement et
la prière. Elle se trouve dans la pénombre de sa
petite église orthodoxe, au milieu des icônes, baignée
dans les volutes de l'encens et des chants liturgiques. Elle
est en paix. Je la vois prier. Ce qu'elle fait depuis ma naissance
de main de maître pour toute la famille.
Bien que me réclamant athée depuis
quelques années, j'ai construit dans mon esprit l'idée
d'une force suprême, d’un dieu aux contours indistincts.
Je ne peux, en cet instant tragique, que l'invoquer.
- C'est pas souvent, mon Dieu, que je prie,
mais cette fois j'ai vraiment besoin de toi. Pardon pour tout
ce que j'ai pu faire de mal, mais par pitié, aide-moi,
fais que je n'aie pas besoin d'aller à l'hôpital.
Aide-moi à guérir, que cette plaie cicatrise. S’il
te plaît mon Dieu, aide-moi.
Arc-bouté sur moi-même, pressant
des mains mon pied douloureux, je concentre toute l'énergie
de ce désespoir dans la prière. La croyance salvatrice
est d'autant plus forte que l'on est acculé par l'angoisse
jusqu'aux tréfonds de son impuissance. Je ne veux surtout
pas retourner à l'hôpital. En respirant profondément,
mon cœur ne bat plus la chamade et son rythme devient plus
régulier. Un réflexe ancestral me guide vers l'intérieur
de mon être. Et l'image de la guérison s'impose à mon
esprit.
Je visualise la compresse d'herbe qui aspire
la fange et les microbes. Comme une éponge assoiffée,
je l'imagine aspirer les poisons de la blessure. Je vois la plaie
se refermer et se ressouder d'elle-même, jour après
jour. Je me ressens marcher plus facilement, retrouver mon autonomie.
Curieusement, une sensation de chaleur se substitue progressivement à celle
de la brûlure. Mon attention, focalisée sur ces
visualisations, entraîne le soulagement espéré.
Je retrouve des couleurs. Je me sens plus en vie maintenant,
ancré à la certitude que tout va bien se passer
; que ce pouvoir divin omnipotent va m'aider à me remettre
au plus vite.
- Merci mon Dieu de m'aider à guérir.
Le point de compression commence à faire
effet. Ces quelques minutes de méditation et de prière
ont détourné mon attention de la douleur. Mon pied
me donne la sensation de devenir comme un morceau de bois, engourdi
et anesthésié. Je retrouve mon calme.
- Tout va bien aller maintenant, dis-je à Fernando. Mais surtout
ne dis rien à ta famille, ni à personne. Et ne me parle plus
d'hôpital. Tu me promets ?
Devant mon insistance puis mon regard suppliant, Fernando obtempère à contre
cœur.
Je passe encore un bon moment accroché à mon
pied et prie avec ferveur :
" Je vais guérir. L'herbe fait cicatriser, c'est sûr. Demain ça
ira déjà beaucoup mieux."
Je tapisse ma chaussure de verdure et l'enfile avec précaution.
- Ça va aller, ça va aller maintenant.
Fernando m'aide à me relever. Chaque pas m'arrache une grimace mais
je pense avec force :
" ça cicatrise. C'est en train de se cicatriser, c'est pour ça
que ça lance. À chaque pas, ça se referme, ça cicatrise
un peu plus."
Depuis je repense souvent à cette incroyable
inconscience ! J'aurais pu y perdre mon pied. Peut-être
ma jambe. J'étais fou. Et pourtant, cette mauvaise blessure
a cicatrisé en un temps record. Moins d'une semaine après,
j'allais déjà me baigner. On a même été pêcher
finalement cette année là, après prudemment
avoir acheté des appâts.
En fait, lors de cette histoire, c'est moi
qui suis devenu quelque temps un appât pour quelques millions
de virus, microbes, bacilles et autres bactéries. Par
quel mystère cette plaie profonde, nettoyée dans
un jus putride et dangereusement vivant a-t-elle pu cicatriser
?
Comment fonctionne cette étonnante capacité d'auto-guérison
?
Avec le recul, plusieurs éléments
me semblent avoir présidé à cette guérison.
La peur de la douleur a constitué la
base d’une motivation inébranlable. Sans cela, des
doutes auraient pu s’insinuer dans mon esprit, faisant
obstacle au travail psychologique que j’ai réalisé.
Pendant ce recueillement, cette prière,
j’ai connu une modification de mon état de conscience.
La douleur a nettement diminué, ce qui m’a encouragé à poursuivre.
La nourriture que j’ai apportée à mon esprit était
fondée sur la certitude d’une amélioration.
La force de ma croyance me semble, là aussi, avoir déterminé le
résultat thérapeutique. Croire à moitié ne
permet, dans le meilleur des cas que d'améliorer transitoirement
la situation. Vivre le rétablissement de l'intérieur apparaît
crucial. Se fondre dans la foi de la rémission des symptômes.
Concernant les maladies chroniques, certains
objecteront que l’échec ou la récidive va
susciter la culpabilité. Aussi semble-t-il indispensable
de créer une attente positive ; se dire simplement que
l’on va faire de son mieux et croire à son espoir.
Enfin, reste un élément difficile à appréhender
par la psychologie. Celui de la spiritualité. Je ne peux
qu’humblement reconnaître mes propres limites. Peut-être
que l’effet de cette prière n’a fait que refléter
l’adage : “ Aide-toi et le ciel t’aidera ”.
De nombreux cas, infiniment plus dramatiques,
ont été recensés partout dans le monde.
L’un des plus spectaculaires est relaté par Michaël
Talbot dans son remarquable ouvrage « L’univers
est un hologramme ».
En 1962, Vittorio Michelli est hospitalisé pour
une très importante tumeur cancéreuse à la
hanche gauche. Comme sa maladie s’avère inopérable
et incurable, il est renvoyé chez lui. Dix mois plus tard,
une grande partie de son bassin est désintégrée
et ne soutient plus son fémur. En désespoir de
cause, il se rend à Lourdes et s’immerge dans la
source miraculeuse. Vittorio se sent alors traversé par
une sensation de chaleur. En sortant de l’eau, il ressent
une énergie régénératrice circuler
en lui et retrouve son appétit. Il réitère
plusieurs fois cette expérience avant de rentrer en Italie.
Un mois après, les radiographies montrent
une très nette diminution de la tumeur. En l’espace
de deux mois le tissu osseux commence à se régénerer
ce qui semblait jusqu’alors matériellement impossible
pour le corps médical. A la stupeur de tous, il recommence à marcher.
En quelques années, son bassin est entièrement
reconstitué. La commission médicale du Vatican
conclut au miracle :
« Force nous est de constater une
remarquable restauration de l’os et de la cavité iliaque.
Les radiographies prises en 1964, 1965, 1968 et 1969 confirment
qu’il s’est opéré une imprévisible
et apparemment irréversible reconstitution du tissu osseux
d’un type sans précédent dans les annales
de la médecine. » (88)
Talbot poursuit, dans son ouvrage :
« Synchronicité des plus spectaculaires, alors que j’écrivais
ces lignes, une lettre est arrivée par le courrier. J’y ai appris
qu’une de mes amies vivant à Hawaï et atteinte d’un cancer
qui lui avait rongé le bassin vient de bénéficier également
d’une « inexplicable » reconstitution du tissu osseux.
Elle aurait obtenu ce miracle en associant à la chimiothérapie
des séances de méditation prolongées et des exercices de
visualisation. Sa guérison a fait l’objet d’articles dans
la presse locale. » (89)
Pour ce chercheur, la foi et l’espoir
jouent un rôle déterminant dans le phénomène
de rémission. Il estime que les miraculés sont
en réalité, consciemment ou non, les agents de
leur propre guérison grâce à leurs propres
croyances.
« Plus nos convictions sont enracinées en nous, saturées
de charge émotionnelle, plus vaste est la transformation qu’il nous
est possible d’opérer tant dans notre propre corps que dans le réel
qui nous entoure. » (90)
Marc, dans le Nouveau Testament (XI, 24), l’a
exprimé clairement : “Tout ce que vous demanderez
dans la prière, croyez fermement que vous l’avez
obtenu, et cela vous sera accordé.”
Ces processus de rémission incompréhensibles
se retrouvent dans le monde entier régulièrement
associés à la pratique de techniques diverses.
Leur dénominateur commun est la création de ce
que l’on appelle un état de conscience modifié.
1°) Pardonnez à tous ceux qui
vous ont fait du tort. Pardonnez à la vie de vous avoir
blessé. Pardonnez-vous aussi de vos actes répréhensibles.
2°) Mesurez l’enjeu que représente
votre mieux-être. Écrivez toutes les mauvaises
raisons que vous avez de rester malades et toutes les bonnes
raisons que vous avez de guérir.
Ce travail d’écriture vous
permettra de créer une motivation forte à l’intérieur
de vous. Et de vous y tenir.
3°) Concentrez votre attention sur
l’amélioration de vos difficultés. Jetez
sur le papier tous les indices perceptibles de votre mieux être.
4°) En état de relaxation
approfondie,
focalisez-vous sur toutes les représentations mentales
qui créent en vous un nouvel espoir de voir disparaître
vos symptômes.
En cas de doute, revenez à une concentration
sur votre souffle, puis recréez en vous cette attente
positive.
Soyez indulgent envers vous-même
et aspirez à l’espoir d’une amélioration.
________________________________________
(86) Cousins N. (1991). La
biologie de l'espoir. Seuil. 438 p. (p. 139-140).
(87) Saint Thomas d’Aquin cité par Quelet
J. & Perrot O. (1995). Hypnose. Techniques
et applications thérapeutiques. Cursus ellébore.
235 p. (p. 48).
(88) O’Reagan. Institute
of Noetic Sciences Special Report, p 9, cité par Talbot
M. (1994). L’univers est un hologramme.
Pocket. 502 p.
(89) Talbot M. (1994). L’univers
est un hologramme. Pocket. 502 p. (p. 177).
(90) Idem p 228.
: Hypnothérapie
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