22. L’état d’hypnose
et l’hypnothérapie
"L’hypnose sert à induire un état
de réceptivité afin de permettre au patient d'utiliser
plus avantageusement ses propres potentialités comportementales" Milton
H. Erickson (134)
Écrivez dans votre journal de bord
tout ce qui vous a mis en cause et vous a été communiqué de
négatif. Ces suggestions directes constituent des croyances
limitantes. Reformulez-les sous la forme d’autosuggestions
positives.
Comme nous l’avons vu, le terme hypnose
vient du grec “ hypnos ” qui veut dire
sommeil. Ce type de technique semble remonter à la nuit
des temps. Dans l’histoire, l’hypnose a été fréquemment
associée à la divination, à la parapsychologie,
mais aussi à la religion. Lors des sermons, la majeure
partie des ecclésiastiques l’utilise sans le savoir
par la fascination qu’ils exercent sur leur auditoire.
Il en va de même pour les psychanalystes.
Par extension, un état d’hypnose,
que nous pourrions qualifier de “ commun ”,
est suscité par bon nombre d’activités diversifiées.
Lorsque vous vous plongez dans la lecture d’un bon livre,
que vous allez au cinéma, au théâtre, que
vous regardez la télévision ou que vous vous consacrez à une
activité qui vous passionne, vous vous retrouvez spontanément
absorbé. Le temps s’écoule d’une façon
inhabituelle. Vous perdez vos repères...
Depuis Mesmer, de Puységur, Liébeault,
Charcot ou Bernheim, l'hypnose, le magnétisme et le somnambulisme
interrogent, intéressent ou passionnent.
Certains définissent l’hypnose
comme un “ sommeil lucide ”, un état
de transe ou un état de conscience modifié. Il
existe un ensemble de moyens pour induire cet état.
Dans la pratique traditionnelle, proche des
techniques de l’hypnose de spectacle, les suggestions sont
généralement fermées, directes et autoritaires. “ Vos
paupières deviennent de plus en plus lourdes... Dormez
je le veux... ” Seuls les sujets les plus doués
et impressionnables y sont accessibles. C’est la raison
pour laquelle les hypnotiseurs de spectacle proposent souvent
un exercice pour les détecter. Par exemple, un test de
rapprochement des mains.
“ Tenez vos mains écartées
de 20 centimètres l’une de l’autre. Une force
que je contrôle va à présent s’exercer
sur vos mains qui vont se rapprocher l’une de l’autre.
De plus en plus près, de plus en plus vite. Vous ne pouvez
pas y résister. Vos mains sont aimantées, irrésistiblement
attirées. Elles se collent l’une à l’autre.
Vous ne pouvez plus les séparer maintenant. ”
Entre 5 et 10 % de la population est en effet
dans l’incapacité de résister à ces
suggestions. Ce sont les virtuoses. L’hypnotiseur les convie
alors à monter sur l’estrade. Il leur décolle
brutalement les mains et leur dit : “ Vous dormez
maintenant. ” Surpris et impressionnés, les « virtuoses » tombent
dans les bras de l’hypnotiseur dans un état d’hypnose
profonde.
Devant l’auditoire ébahi, ils
se livrent à tout un ensemble de comportements déconcertants.
Ils se prennent pour un animal, dansent avec la star de leurs
rêves, se déshabillent tant la chaleur du désert
qu’ils traversent est caniculaire, etc.
Ils vivent intensément chaque suggestion
comme si c’était vrai et oublient presque tout dès
leur réveil. Ce phénomène d’amnésie
est courant dans certains états de conscience modifiés.
Didier Michaux, fondateur de l’Institut
Français d’Hypnose, m’a raconté avoir
aidé une personne traumatisée par l’un de
ces spectacles. L’hypnotiseur lui a suggéré d’oublier
pendant 5 minutes après son réveil le chiffre 5.
De fait, invité à son réveil à compter
sur ses doigts devant la foule goguenarde, cette personne les
a passée en revue de la façon suivante :
“ 1, 2, 3, 4,... 6, 7, 8, 9, 10, 11. ”
“ Tiens, vous avez onze doigts ? ”, demanda ironique le
faiseur d’illusion.
“ Bien sûr que non, j’en ai dix ! ”
“ Comptez les doigts de l’une de vos mains à présent. ”
“ 1, 2, 3, 4,... 6. ”
“ 6 et 6 =12. Alors vous avez au total 11 ou 12 doigts ? Il faudrait
savoir ! ”
Devant la stupeur et l’effarement de
ce malheureux sujet, la foule était hilare.
Cette personne a eu besoin de quelques séances d’hypnothérapie
pour réduire le traumatisme qu’elle avait vécu et
qui en avait réveillé d’autres. Elle s’est
sentie dépossédée d’elle-même et a vécu
douloureusement la situation.
Comme l’indique cette histoire, ce type
de pratique me semble dangereux pour certains et je la déconseille
fermement. De plus, elle nuit à l’image de l’hypnose
thérapeutique qui recèle un trésor de ressources.
L'hypnothérapie à laquelle j’ai été formé est
aux antipodes de la pratique des hypnotiseurs de spectacle. Cette
pratique se révèle thérapeutique entre les
mains de médecins, psychologues ou psychothérapeutes
dûment formés.
Elle se base sur des suggestions ouvertes,
permissives et indirectes du type :
“ Vous pouvez respirer profondément et tout en laissant votre
corps se relaxer, peut-être aurez-vous le plaisir de laisser venir de très
bons souvenirs et de revivre les émotions positives qui y sont attachées. ”
L'hypnothérapie est définie
dans l'Encyclopédie Médico-Chirurgicale comme étant
: "(...) un mode de fonctionnement psychologique dans
lequel le sujet se détache de son environnement pour
fonctionner à un niveau inconscient. (...) Ce mode de
fonctionnement fait apparaître des possibilités
nouvelles : par exemple des possibilités supplémentaires
d’action de l’esprit sur le corps, ou de travail
psychologique à un niveau inconscient. (...) Cet état
n'est rien d'autre que l'amplification de la simple rêverie
dans laquelle nous entrons spontanément plusieurs fois
par jour." (135)
L'un des principaux auteurs de ce modèle
thérapeutique, Milton H. Erickson a abordé ce
phénomène en autodidacte.
Son expérience est édifiante. Dès sa naissance,
le petit Milton connut un certain nombre de handicaps. Il était
daltonien, s'est révélé par la suite incapable de
percevoir le rythme et fut assez rapidement diagnostiqué dyslexique.
Mais c'est à l'âge de 17 ans qu'il fit face à l'une
de ses plus terribles épreuves :
il fut atteint d'une poliomyélite qui le cloua dans un fauteuil,
avec la sombre perspective d'y rester toute sa vie.
C'est là qu'il acquit son extraordinaire
capacité d'observation et qu'il expérimenta les
effets de l'auto-hypnose.
Déterminé à reconquérir
ne serait-ce qu'une once d'autonomie, il concentra toute sa volonté sur
les sensations physiques qu’il avait ressenties avant son
handicap. Il se focalisa également sur l'un de ses doigts
inertes et s'y représenta le mouvement de façon
acharnée pendant plusieurs semaines.
Contre toute attente, il lui extirpa enfin un micro-mouvement et fort
de cet exploit, poursuivit son effort inlassablement. Il réussit
après de longs mois à recouvrer une motricité quasi-normale
de ses doigts, ses mains, ses bras et de son corps entier.
Il se rééduqua, réapprit à marcher
et redevint tout à fait autonome. Il utilisa également
cette technique pour corriger sa dyslexie, ce qui lui permit
de suivre en parallèle des études de médecine
et de psychologie. Devenu médecin, docteur en psychiatrie
et en psychologie, il put alors étudier de façon
expérimentale ce qu'il avait découvert.
Il devint l’hypnothérapeute de
référence aux Etats-Unis, influençant l’École
de Palo Alto dans sa création de la thérapie familiale
systémique. Il servit de modèle à de nombreux
cognitivistes, comportementalistes, également aux fondateurs
de la PNL (programmation neuro-linguistique) et, par répercussion à une
grande partie des thérapeutes d’Amérique
ou d’ailleurs.
Freud, dans son approche psychanalytique, estime
souvent que l’inconscient est le fauteur de troubles. Oublis
de mots, lapsus révélateurs, actes manqués
souvent très réussis et symptômes lui sont
inféodés.
Tout en reconnaissant cette dimension, Erickson
observe qu’en hypnose, l’inconscient devient
un "réservoir de ressources actives".
Il permet de faciliter une adaptation plus appropriée.
L'hypnose éveille un état privilégié de
la conscience, appelé par certains auteurs la conscience
supérieure.
Dans cet état particulier, il
est possible de communiquer avec les potentialités insoupçonnées
de l'individu, de les éveiller et de leur donner naissance à un
niveau cognitif, comportemental et physiologique.
Cette démarche psychothérapeutique permet à chacun de trouver spontanément la profondeur
de l'état de relaxation qui lui convient. Le thérapeute
n'impose rien et ne fait que proposer des voies nouvelles, des
ouvertures jusqu' alors inenvisagées, grâce à des
métaphores, des symboles et des associations qui pourront
résonner avec les ressources de l'inconscient.
Chacun utilise, en fonction de sa motivation,
les représentations dont il a besoin pour restructurer
son mode de fonctionnement interne. Et c'est grâce à ses
propres associations qu'il peut retrouver une nouvelle façon
de s'envisager, d'envisager le monde et de fonctionner.
Comme nous pouvons le constater, nous sommes
très loin de cette hypnose de spectacle dont les médias
sont si friands. Autre avantage de la méthode, il est
possible d'induire par soi-même un état d'hypnose.
On parle alors d’auto-hypnose.
1°) Inspirez-vous de l’histoire
de Milton H. Erickson. Écrivez sur votre journal de
bord la façon dont vous imaginez recouvrer ou favoriser
un état de santé idéal.
Déclinez les différentes
phases de ce processus de santé en imaginant les objectifs
chronologiques que vous pouvez atteindre.
Laissez libre cours à votre imagination. Explorez toutes les émotions
positives liées à cet état.
Héritée de la pratique de
l’hypnose traditionnelle, une technique peut vous être
utile. Il s’agit de l’effet Braid, créée
par le chirurgien du même nom.
2°) Lorsque vous aurez déterminé un
premier objectif qui vous tient à cœur, prenez
une position confortable dans votre lieu privilégié de
relaxation. Réalisez quelques exercices de respiration
/ relaxation. Concentrez votre attention sur quelque chose
d’agréable à regarder. Cela peut être
un objet que vous appréciez, une plante verte, un dessin...
Photographiez mentalement ce que vous regardez en maintenant
fixement votre regard dessus. Respirez de nouveau profondément
et laissez vos paupières se fermer. La photographie
mentale de ce que vous regardiez pourra alors progressivement
apparaître. Si ce n’est pas le cas, répétez
cet exercice deux ou trois fois. Vous pouvez alors poursuivre
votre séance en imaginant la réalisation de l’objectif
qui vous tient à cœur. Au besoin, faites-vous
aider par un spécialiste de
l'hypnothérapie et de la gestion
du stress.
________________________________________
(134) Erickson M. H. (1966).
The interspersal hypnotic technique for symptom correction and
pain control. American Journal of Clinical Hypnosis, 8,
3, 198-209.
(135) Godin J. (1991). Hypnothérapie.
Editions Techniques. Encycl. Méd. Chir. (Paris,
France), Psychiatrie, 37820 B50, 1-10.
: Hypnothérapie
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