17. Les points communs entre les
différents modèles de psychothérapie
Le but de toute thérapie, par delà la
connaissance de soi et son épanouissement personnel, ne
serait-elle pas de devenir son propre thérapeute et de
retrouver l’enthousiasme ? (du grec enthousiasmos : transport
divin, retrouver Dieu en soi).
D’après Paul Watzlavick,
quand on est en thérapie, le problème c’est
quoi ?
C’est qu’on est en thérapie.
Et la solution c’est
de ne plus en avoir besoin.
J'ajouterais : en redevenant
par soi-même responsable et autonome.
L'idée de travailler sur les convergences
entre les différentes psychothérapies, m'est venue
de l'observation des luttes fratricides, plutôt attristantes,
auxquelles j'ai assisté. Avec, à la base de mes
réflexions un constat. Si chacun de ces modèles
continue à exister, c'est qu'il donne des résultats.
Et si chacun donne des résultats, c'est qu'il y a des
points communs entre tous, par delà leurs différences
et leurs particularités.
Aussi, m'est-il apparu intéressant de
les explorer afin de mettre en lumière ce qui marche en
psychothérapie. Quels y sont les ingrédients actifs
?
Pour saisir le sens de chaque terme technique
utilisé, je vous propose de faire un bref détour
par l'étymologie (grec : ethumos = vrai et logos = science)
afin d'en identifier la racine.
Chaque élément commun aux différents
courants de psychothérapie sera souligné.
Par commodité, pour la lisibilité de
cet essai, nous parlerons de la thérapie individuelle,
bien que ce qui suit puisse également s'appliquer à la
thérapie familiale et à la thérapie de groupe.
Commençons donc par une analyse
descriptive de la psychothérapie (grec : psukhê = âme
; therapeuein = soigner) :
Il s'agit d'une expérience existentielle
d'interactions subjectives et constructives tant pour le
consultant que pour la personne qui vient consulter. Deux individus
s'enrichissent mutuellement de l'expérience de l'autre.
Celui qui prend rendez-vous fait la démarche
personnelle de se débarrasser de ses difficultés.
Il confronte sa vision du monde et de lui-même au regard,
supposé éclairé, du soignant.
Dans ce contexte se tisse un échange
de conceptions subjectives de l'univers et de la façon
de fonctionner au mieux en interaction avec lui.
L'objectif de la personne est de reconstruire
une relation avec elle-même, les autres et le monde qui
lui soit plus facile à vivre, de meilleure qualité ;
se débarrasser d'angoisses ou de troubles psychosomatiques
(grec soma, somatos = corps) ; retrouver un état de santé psychique
et physique (latin : sanitas = état de celui qui est sain).
Le cadre de la psychothérapie relève
d'une éthique (grec : ethicos = morale) et d'un code
déontologique (grec : deon, ontos = ce qu'il faut
faire ; logos = discours). Ceux-ci concernent le lieu , l'horaire,
la durée, la fréquence et le paiement des consultations.
L'éthique et la déontologie englobent également
le mode d'intervention spécifique du thérapeute et
dicte le type de relation d'aide psychologique qu'il a
avec le consultant. Ces éléments sont déterminés
par l'enseignement qu'a reçu le thérapeute par
l'école qui l'a formé.
L'une des règles basiques de toute psychothérapie
est constituée par l'interdiction d'un passage à l'acte,
agressif ou sexuel des deux protagonistes. Toutefois, certaines écoles,
essentiellement américaines, travaillent sur la dimension
de plaisir, grâce au contact physique et notamment aux
massages, ce qui a donné lieu à certaines transgressions
de cette loi générale, sous couvert d'une théorisation
des plus discutables. Même en occident, le sacro-saint
divan des psychanalystes, à force d'être le lieu
de l'expression de la sexualité, a connu quelques dérapages
plutôt incontrôlés. Bien sûr, un passage à l'acte
est condamnable, discrédite et jette le thérapeute
sur le banc des accusés. La transgression de la loi promulguée
remet en question l'intégrité et la moralité du
soignant et ne peut être que du ressort de la justice.
D'autant que s'élabore au fur et à mesure
des séances une relation affective et transférentielle
entre les deux protagonistes. Cette relation induit d'une
certaine manière une régression (latin :
regressio = retourner en arrière). La personne se retrouve
dépendante du thérapeute, de son savoir, de son
mode d'intervention et du cadre fixé dans les séances.
Quelle que soit son orientation, le thérapeute
est perçu comme faisant autorité dans la discipline
qu'il incarne. Comme diraient les systémiciens, il est
en position haute alors que le client est en position basse.
Son travail (on pourrait presque parler de
vocation) consiste à apporter son aide à celui
qui vient le trouver. Les deux protagonistes élaborent
a priori ensemble une relation complémentaire visant à trouver
des solutions aux difficultés du client.
Par opposition à cette interaction (cette
influence réciproque), la relation symétrique se
résume à une lutte pour le pouvoir entre deux ou
plusieurs individus.
Certaines orientations psychothérapeutiques
utilisent la symétrie dans une perspective stratégique
de changement.
Envisageons maintenant les présupposés
qu'engendre le cadre de la thérapie :
Le présupposé de base me semble être
le fait que le thérapeute entretient la croyance qu'il
a la possibilité d'apporter l'aide dont la personne a
besoin. S'il n'en est pas convaincu, conformément à son éthique,
il adressera la personne à l'un de ses confrères
mieux armé pour faire face au problème.
La personne qui consulte a l'espoir de trouver
grâce à son travail psychothérapeutique des
moyens d'être soulagée de ses difficultés.
Elle est cependant confrontée à des résistances
au changement qui lui ont interdit de trouver seule une solution à ses
conflits. C'est la raison de sa présence auprès
d'un spécialiste.
A travers les différentes approches,
un autre présupposé est l'existence de l'inconscient.
Bien sûr, en fonction des écoles, cet inconscient
donnera lieu à divers modes d'intervention.
Quoi qu'il en soit, comme dans toute relation
interpersonnelle, il y a communication entre les consciences
et les inconscients des protagonistes, et ce, de façon
réflexive, circulaire et croisée. La conscience
de la personne communique avec son propre inconscient, ainsi
qu'avec la conscience et l'inconscient du thérapeute.
Il en est de même pour l'inconscient et pour les deux protagonistes.
Par ailleurs dans toute communication s'observe
un langage digital (verbal) et analogique (comportements, attitudes,
gestuelle, mimiques, ton de la voix, émotion dégagée,
etc.)
À travers les différentes
approches thérapeutiques, le corps et l'esprit sont
envisagés dans un continuum. La majeure partie des psychothérapeutes
en sont d’accord, les symptômes physiques constituent
autant de moyens qu'a l'inconscient pour adresser des messages à soi
et aux autres. Au travers des symptômes, l’objectif
de l’inconscient peut se résumer à mettre à la
lumière de la conscience tel conflit ou tel paradoxe
vécu par l'individu.
Enfin, un autre présupposé commun à toutes
les thérapies est que l'individu possède en
lui-même les ressources pour opérer un changement.
Le thérapeute fait office de guide
pour donner les moyens à la personne d'utiliser ses
potentialités. Il l'encourage à exprimer ouvertement
ses sentiments, affects et émotions, ce qui lui vient à l'esprit
dans l'ici et maintenant de la séance.
Focalisons-nous à présent
sur la relation psychothérapeutique :
De façon explicite ou implicite,
le thérapeute offre son écoute (latin : auscultare
= prêter l'oreille pour entendre [latin : entendere =
appliquer son esprit]).
Il est centré sur ce que la personne
exprime dans une attitude de bienveillance, de respect, de
réceptivité (latin : recipere = accepter, prendre
ce qui est offert) et de compréhension (latin : comprendere
= renfermer en soi). En d'autres termes directement issus
de l'étymologie, le thérapeute applique son esprit,
accepte ce qui est offert et le renferme en soi.
De ces éléments émerge
une loi : le secret professionnel que le thérapeute
doit garder. La dérogation de ce précepte doit
toutefois être envisagée lorsque le secret menace
la sécurité d'un autre individu (ex : un attentat
sur une personne) ou l'équilibre d'un enfant (ex : en
cas d'inceste ou de pédophilie). Le thérapeute
est alors tenu de se délivrer de son secret et de s'adresser à la
justice afin de cesser d'être le complice silencieux d'un
criminel.
En dehors de ces cas extrêmes, le contexte thérapeutique
constitue une invitation à une permissivité par rapport à l'énonciation.
Le consultant peut tout dire car le thérapeute
ne porte pas de jugement de valeur.
Il peut s'exprimer dans un contexte de confiance (latin
: confidentia = communication d'un secret), de sympathie (grec
: sumpatheia : sun = avec ; pathein = ressentir) et d'empathie (grec
: empathein : en = dans ; pathein = ressentir).
L'attitude du thérapeute témoigne
de congruence (latin : congruus = qui convient à une
circonstance donnée), de consistance (latin : consistere
= se tenir ensemble) voire de compassion (latin : cum
= avec ; pati = souffrir). Cette attitude ouvre à une
communication (latin : communicari = s'associer à) dont
l'émotion sera contenue.
A mon sens, un bon thérapeute, de façon
consciente ou inconsciente, se synchronise avec celui qu'il
reçoit. Il se modèle affectivement et
comportementalement à l'autre ; est attristé par
son désespoir, se réjouit de ses progrès...
Cette synchronisation se calque sur le mode
d'être de la personne qu'il a en face de lui, ce qui favorise
la création d'une alliance thérapeutique.
Cette alliance permet d'aborder un processus de changement, grâce
au rapprochement affectif qui se construit au fil des séances
entre les deux protagonistes.
Étudions à présent
les caractéristiques de l'intervention thérapeutique.
En fonction de l'enseignement reçu,
est élaborée une stratégie thérapeutique.
Celle-ci est spécifiquement adaptée à la
personne et à ses difficultés. Avec l'anamnèse (l'histoire
de la maladie) le thérapeute explore un terrain inconnu,
découvre les écueils, les gouffres ou les sables
mouvants dont la personne a été victime. Il identifie
les pièges et poursuit son exploration, à la
recherche du trésor de ressources qu'il pourra mettre à jour
et offrir à la personne qui s’en croit démunie.
Par rapport aux informations qu'il estime signifiantes,
le thérapeute renvoie une certaine métacommunication,
de façon métaphorique ou littérale ; il
communique son analyse du message reçu. Cette métacommunication
est le fruit de son expérience, son intuition et bien
sûr de sa subjectivité. Elle prend la forme d'une reformulation qui
aboutit à un recadrage, un changement de perspective
amenant la personne à envisager ses difficultés
de façon nouvelle, différente.
Cette communication vise à faire
sens, et créer une motivation nouvelle de se
débarrasser de ses troubles. Elle donne à la
personne qui consulte de bonnes raisons de fonctionner d'une
façon qui lui soit plus confortable et plus adaptée
quant à son mode d'être idéal. Ce mode
d'être est parfois défini avec le thérapeute,
sous la forme d'un objectif, ou d'un contrat, ce qui permet
une économie de temps et d'énergie. La dynamique
relationnelle est basée sur l'espoir de voir sa condition
s'améliorer.
L'objectif thérapeutique, l'enjeu
pour le thérapeute, est de faire accéder la personne à une
restructuration de ses potentialités. L'aider à utiliser
ses propres ressources conscientes mais surtout inconscientes.
Les symptômes constituent souvent des
situations paradoxales pour l’individu. A la fois, ils
l’empêchent de s’adapter à une situation
et en même temps ils l’y contraignent. Le paradoxe
de la situation symptomatologique est hérité d'un
système de croyances contre-adaptatif.
Le thérapeute invite la personne à adopter
un système de croyances qui soit plus adapté à la
réalisation des aspirations de son client.
Deux processus distincts et complémentaires
sont à l’œuvre dans toutes les thérapies,
y compris dans les démarches de type psychanalytique :
* Celui de modification de l'état
de conscience. Il semble graver en mémoire consciente
et inconsciente de nouveaux apprentissages avec plus de facilité ; donner
accès à de nouvelles ressources, à un
nouveau mode d’être.
* Et celui de suggestion, (latin : suggerere
= procurer) qu'elle soit directe ou indirecte, concrète
ou abstraite, réelle ou métaphorique. La suggestion
est partout, même dans le plus nu des silences, dans le
plus subtil mouvement, tout comme d'ailleurs dans son absence.
De la même façon que l’on
ne peut pas ne pas communiquer, on ne peut pas, ne pas suggérer.
La suggestion est un peu comme la sève de toute communication.
L'essentiel est de suggérer avec intégrité.
Pour donner les moyens à la personne
de résoudre ses difficultés, grâce à toutes
ces techniques et avec le temps, le thérapeute amène
la personne à augmenter sa motivation de se débarrasser
de ses symptômes. L'espoir de soulager ses maux constitue à la
base une motivation potentielle que le soignant peut utiliser
comme un puissant levier thérapeutique.
Nous le verrons dans le chapitre 22, Erickson
l'a bien compris. Il estime dans un article rédigé en
1959 que : " L'aspect psychologique de la médecine
constitue son art et transforme le médecin d'un habile
mécanicien ou technicien en un être humain dont
on a besoin, source de vérité, d'espoir, d'assistance,
et plus important encore, de motivation pour accompagner le patient
vers la santé physique et psychique, et le bien-être."
Il incombe donc au praticien d'utiliser toute
sa créativité pour susciter la motivation du client à espérer
ce changement, ne serait ce qu'inconsciemment.
D'ailleurs, cette motivation n'est-elle pas
déjà présente à l'esprit de la personne
en difficulté lorsqu'elle rêve, avant même
la première séance, d'une vie débarrassée
de ses problèmes et de psychothérapie ?
La motivation de se débarrasser de ses
difficultés est intimement liée à l’espoir
d’y parvenir. Explorons à présent cet indispensable
ingrédient du processus de guérison.
1°) Devenez votre propre thérapeute
en vous inscrivant dans une démarche de développement
personnel. Ecrivez régulièrement sur tout ce
qui vous préoccupe, sur vos souffrances et vos difficultés.
Regardez-vous en face, sans complaisance
mais avec lucidité.
Définissez clairement vos modes de pensées et de comportements.
Déterminez vos fonctionnements psychologiques et ce que vous souhaitez
modifier en vous.
Définissez de petits objectifs précis.
2°) Créez un état de
relaxation.
Elaborez la façon dont vous pourrez y accéder en imaginant
ces objectifs en train de se réaliser.
Lâchez prise et laissez venir les solutions que vous souffle votre
inconscient.
Soyez à son écoute et suivez ses conseils à condition
d’être pleinement en accord avec eux.
3°) Concrétisez vos séances
par la mise en place de plans d’action chronologiques
précis.
Expérimentez ce que vous avez élaboré et
conservez-en trace dans votre journal de bord.
Vous pouvez, bien sûr, au cas où vous
en ressentiriez le besoin, vous
faire aider par un spécialiste.
Je vous invite toutefois à tenter d’abord l’expérience
de devenir votre propre thérapeute par vous-même.
Laissez-vous surprendre par le résultat.
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