Les preuves de l’efficacité des
thérapies cognitivo-comportementales ont été volontairement
dissimulées par M. Douste-Blazy, Ministre de la santé !
Article publié dans Le Monde le 9 février 2005.
"Psys": l'Inserm se dit "choqué" par
le désaveu du ministre.
Balayée , enterrée. Le ministre de la santé ne
veut plus entendre parler de l'expertise collective de l'Institut
national de la santé et de la recherche médicale
(Inserm) consacrée à l'évaluation des psychothérapies.
C'est devant ceux qui avaient le plus combattu ce travail de recherche
- les psychanalystes du Forum des psys - que Philippe Douste-Blazy
a annoncé, samedi 5 février, qu'il avait fait retirer
du site Internet de son ministère ce rapport dont "le
contenu et la promotion vous ont particulièrement offensés" (Le
Monde du 8 février).
De mémoire de chercheur, c'est la première fois
qu'un ministre de la santé conteste une expertise collective
menée pendant près de deux ans par un organisme public,
l'Inserm, à la demande de la direction générale
de la santé (DGS). Lors de sa publication, en février
2004, la DGS avait d'ailleurs reconnu qu'il s'agissait d'un "bon
travail".
"Je suis très étonnée et assez scandalisée
par cette réaction. Nous avons travaillé comme d'habitude,
en demandant à un groupe d'experts reconnus de mener une
analyse critique rigoureuse de la littérature scientifique
internationale consacrée à l'évaluation des
psychothérapies", explique Jeanne Etiemble, directrice
du centre d'expertise collective de l'Inserm.
Les résultats de cette étude - qui montrent que
les thérapies cognitivo-comportementale (TCC) sont celles
qui ont le plus fait la preuve de leur efficacité - avaient
heurté une partie de la profession (Le Monde du 26 février
2004). "Ce que nous avons surtout recommandé, c'est
de promouvoir les évaluations", précise Olivier
Canceil, psychiatre au centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris,
et membre du groupe d'experts de l'Inserm.
Philippe Douste-Blazy a donc choisi de
désavouer une expertise
scientifique. En cette période de crise de la psychiatrie
publique et de promesses ministérielles d'une nouvelle politique
en faveur de la santé mentale, le ministre a préféré aller
au-devant des critiques. "Dénigrer le rapport de l'Inserm,
c'était le prix à payer pour que les plus contestataires
de la profession ne polémiquent pas sur le plan santé mentale",
décrypte un connaisseur du dossier.
"En prenant cette position, le ministre ne rend pas service à la
profession, estime Jeanne Etiemble. Il faut informer les professionnels
de santé et les patients sur le bilan des connaissances
et ouvrir l'offre de soins." "A moins de dire que la
littérature scientifique internationale ne vaut rien, sur
quoi se fonde le ministre pour critiquer le rapport ?", s'interroge
le neuropsychiatre Jean Cottraux, l'un des experts de l'Inserm,
qui se dit "choqué" par cette attaque.
Sandrine Blanchard
LE
MONDE | 09.02.05 | 14h13
AAPEL - 18 fev 05 - Communiqué de
presse de l'AAPEL par son président, Alain Tortosa - "L’Association
d'aide aux personnes souffrant de troubles de la personnalité borderline
(état limite)" -
Lettre ouverte au ministre de la santé.
Monsieur le Ministre de la santé,
Mais pourquoi donc avez-vous décidé de continuer à faire
de notre pays l'exception psychiatrique française en retirant
le rapport d'expertise INSERM sur l'évaluation des psychothérapies
!
En fait, vous n'auriez pas jeté ce rapport aux oubliettes
en critiquant les auteurs, son contenu ou en demandant des précisions
ou correctifs, mais en affirmant que "la souffrance psychique
n'est ni évaluable ni mesurable" !
Le docteur Douste-Blazy ferait-il de la
politique depuis trop longtemps au point d'avoir oublié le premier des devoirs
de tous médecins (qu'ils soient psychiatres ou non) qui
est rappelé dans l'article 33 du code de déontologie
médicale: "La démarche diagnostique est la première étape
de toute prise en charge d'un patient" ainsi que l'article
11 qui dit "le médecin n'a pas le droit de ne pas être
au courant des progrès de la médecine, danstous les
domaines, clinique, biologique, technique…"
Notre association, AAPEL, a pour vocation
d'aider les personnes qui souffrent d'un trouble de la personnalité borderline
(personnalité limite) ainsi que leurs proches. A ce titre,
notre propos est de pouvoir offrir le maximum d'informations aux
personnes confrontées à cette problématique,
sur l'ensemble des traitements existants.
Notre objet n'est certainement pas de privilégier une approche
thérapeutique au détriment d'une autre, ni d'empêcher
un patient d'utiliser la méthodologie qu'il désire,
mais de pouvoir fournir des informations avec la plus grande rigueur
scientifique possible. Et croyez-bien que nous serions les premiers à nous
réjouir si les quelques centaines de techniques psychothérapeutiques
qui existent de part le monde, pouvaient toutes soulager les patients
souffrant de trouble borderline et autres problèmes "psys" !
Notre objectif (à tous?) est le mieux être des personnes
en souffrance psychique et nous avons la conviction que l'adhésion
du patient à son traitement est très importante et
que cela passe en premier lieu par une adhésion à un
diagnostic puis aux traitements proposés.
Comment cela saurait-il être possible sans offrir au patient
un maximum d'informations sur son trouble et les "options" possibles
?
Evaluer et valider des méthodes thérapeutiques ne
veut pas dire pour nous AAPEL, "rejet de la psychanalyse" ou
de toute autre méthode. En effet, le diagnostic d'un patient
sur des critères officiels DSM IV (APA) ou CIM10 (OMS) ainsi
que l'utilisation d'outils diagnostics évalués, n'implique
pas une obligation de méthodologie pour le traitement.
Mais par contre, c'est grâce à un langage commun
utilisé au niveau international, y compris en France, que
l'on pourra justement évaluer, aussi bien les molécules
que les méthodes psychothérapeutiques qui aident
le plus les malades (au delà de l'effet placebo).
Trouveriez vous "logique" et acceptable que l'on définisse
la grippe sur certains critères dans certains pays et que
l'on définisse cette même grippe sur d'autres critères
en France ?!
Et bien c'est pourtant le quotidien d'une partie de la psychiatrie
française (en exagérant un tout petit peu), où vous
trouverez presque autant de définitions d'un trouble que
de praticiens, dès lors qu'ils n'utilisent pas le DSM ou
la CIM de l'organisation mondiale de la santé.
Alors pourquoi certains "psys" français refusent-ils
l'évaluation de leurs méthodes ?
Par un refus de mettre le patient dans une "case" ? Cette
argumentaire n'est pas recevable, monsieur le Ministre, car ils
le font déjà tous les jours, névrose, psychose, état
limite, perversion, etc. étant par définition des "cases".
Une telle violence affichée contre l'évaluation pourrait
alors me faire imaginer que ces "psys" pensent au fond
d'eux mêmes: "Ma méthode ne fonctionne pas",
parce que personnellement, si j'avais la conviction que je suis
en mesure de soulager la souffrance psychologique de mes patients,
je ne vois pas pourquoi je verrais d'un mauvais oeil l'évaluation
de mes méthodes, évaluation qui permettrait de conforter
mes convictions et de rassurer mes patients (la méthodologie étant à définir
bien sur).
Voila donc ce qui nous met mal à l'aise, nous, AAPEL, le
fait d'entendre des "psys" et vous, leur "nouveau
représentant" (?), n'avoir aucun doute affiché sur
leurs "compétences" tout en refusant de se confronter à l'évaluation
!
- Les malades ont le droit de savoir de
quoi ils souffrent pour dissocier ce qui relève de leur personne, de leur être,
et ce qui relève de leur maladie(combien entendent des phrases
comme "c'est une question de volonté" ou "quand
on veut, on peut" ou "arrête de te regarder le
nombril" !)
- Les malades ont besoin de savoir qu'ils ne sont pas seuls et
qu'il y a de nombreuses personnes qui ont un mal identique au leur
et cela passe prioritairement par un diagnostic qui, au contraire
d'enfermer le malade, le sort d'une éventuelle culpabilité.
- Les malades ont besoin de savoir que leurs troubles peuvent se
traiter mais aussi connaître les méthodes efficaces
pour une meilleure alliance thérapeutique, libre à eux
de choisir ensuite la méthode qui leur sied le mieux.
Alors pour conclure, monsieur le Ministre,
nous vous disons que les personnes qui souffrent de maladies
mentales ont les mêmes
droits que tout être humain et vous n'avez pas à décider
pour elles de ce qu'elles ont le droit de savoir ou pas.
Nous serons, nous, associations, présents pour vous rappeler
cela à chaque fois que ce sera nécessaire...
J'ose espérer que vous serez de notre avis en pensant que
c'est le manque d'informations validées qui nuisent aux
malades et non l'excès.
Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur
le Ministre, l'expression de ma très haute considération .
Alain Tortosa - président de l’association AAPEL.
Pour en savoir plus, voir :
http://www.aapel.org/
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