Paul
Inscrit le: 11 Jan 2005
Messages: 544
Localisation: Haute Corse
Posté le: 08 Mar 2005 16:51 Sujet
du message: Problèmes familiaux...
La famille et ses problèmes. Vaste sujet qui mérite
un nouveau chapitre.
“Famille je vous hais”, écrivait Jean-Paul
Sartre. On pourrait considérer que du point de vue
psychopathologique, il n’avait pas tort. En effet,
depuis Freud, on sait que la maladie mentale a pour creuset
la famille, et plus particulièrement la transmission
des mécanismes psychologiques qui sont à l’oeuvre
dans la génèse des troubles.
Cependant, une anecdote vient quelque
peut relativiser ce constat. Après l’une de ses conférences,
une femme aborda Freud et lui fit part de ses difficultés
concernant l’éducation de ses enfants. Elle
lui demanda en substance s’il fallait être permissive
ou autoritaire et dans quelles circonstances. Après
l’avoir longuement écouté, Freud conclut,
avec une once d’humour : “Quoiqu’il en
soit Madame, faites ce que voulez, de toute façon,
ce sera mal !”
Pour Freud, l’éducation se situe entre le
Charybde de l’interdiction et le Scilla du laisser-faire.
(Charybde : nom donné par les anciens à un
tourbillon du détroit de Messine, et Scylla : nom
du rocher à proximité. Aller de charybe en
scilla c’est aller de mal en pis...)
Optimiste Freud... En fait, ce sur
quoi s’accordent
la majeure partie des pédagogues, c’est qu’il
est important de trouver le juste milieu entre l’interdiction
et la permissivité. En fonction des contextes, certains
enfants auront besoin de limites et de rappels à l’ordre
fréquents, d’autres de plus de liberté les
encourageant à aller de l’avant... Et par delà l’éducation,
il y a l’identification de l’enfant aux parents.
Le fait de voir et d’entendre ses parents avoir une
certaine attitude par rapport à l’autorité,
par exemple, va conduire l’enfant à adopter
la même réaction par identification. Toutefois,
il pourra aussi opter pour la réaction inverse, ce
qui est fréquent au moment de l’adolescence
où se structure l’émergence de la personnalité de
l’individu par opposition avec sa famille.
Pour les thérapeutes de l’approche systémique,
lorsqu’un problème psychopathologique touche
un membre de la famille, celui-ci devient le porteur de symptôme
de la famille. Cet individu au comportement ou à la
cognition dysfonctionnels a cristallisé dans son mode
de fonctionnement psychique les dysfonctionnements de la
communication familiale. Les thérapeutes, grâce à des
entretiens familiaux, auront pour objectif de rétablir
une communication de qualité entre les différents
membres. Cette approche psychothérapeutique est l’une
des plus efficaces face aux troubles graves de la personnalité.
Par ailleurs, l'approche systémique permet de prendre
la mesure de l’importance des systèmes (familiaux,
psychosociaux, ethnologiques, culturels, géopolitiques)
sur la santé.
Le père de cette approche est Gregory Bateson, ethnologue
célèbre, qui, dans les années 1950 constitua
un groupe de réflexion à Palo Alto en Californie.
Des psys, des philosophes, sociologues, cybernéticiens
(ancêtres de l’informatiques), mathématiciens
et autres spécialistes de diverses disciplines se
réunirent afin de réfléchir ensemble
sur le thème de la communication. Leur réflexion
les amena à s'intéresser de très près à la
notion de système d’interactions (échanges
entre individus).
Une de leurs observations reste
gravée dans ma mémoire.
La scène se déroule dans la chambre d’un
hôpital psychiatrique où est enfermé un
jeune schizoprène. La porte s'ouvre et la mère
du patient apparaît. Fou de joie, le jeune patient
se précipite sur elle pour l'embrasser. Sa mère
prend peur et a un mouvement de recul. Son fils, percevant
sa réaction, s'immobilise. La mère lui dit
alors avec un ton de reproche :
"Alors mon chéri, tu ne viens pas m'embrasser ?"
Cette simple phrase semble avoir
déclenché une
réaction pathologique de la part du jeune homme. Pourtant
les systémiciens, en y réfléchissant
de plus près, ont découvert l'origine de la
crise. Le jeune homme avait le désir manifeste d'embrasser
sa mère mais le comportement de peur de cette dernière
a réfréné son élan. Comme si
rien ne s'était passé, la mère lui reproche
son manque d'amour filial, d'où l'émergence
de la crise.
Les spécialistes de l'école de Palo Alto
ont défini cette transaction en terme de double contrainte
schizophrénogène, c'est-à-dire une injonction
immédiatement suivie d’une injonction contradictoire
qui empêche l'individu d'exister dans son désir,
d'une façon ou d'une autre.
Face à ce paradoxe, lié à un enjeu vital, la crise est
un moyen pathologique de trouver une nouvelle solution au problème posé.
Le fait de métacommuniquer, c'est-à-dire
de s’exprimer au sujet de l’échange dysfonctionnel,
est une manière saine d'envisager la communication.
Une façon de créer les bases du respect et
d’un partage authentique.
Une partie du travail thérapeutique consiste à apprendre à métacommuniquer
au sein de la famille.
Cette observation met également en lumière
le fait qu'il existe deux types de communication que les
systémiciens ont appelés digital et analogique
:
La communication digitale est de l'ordre du verbal.
L'analogique recouvre tous les à-côtés qui participent à la
communication et enrichissent son sens : volume et ton de la voix, expression
du visage, attitude, gestuelle, etc.
Par exemple la formule “c'est ça” revêt
un sens bien différent selon qu'elle est prononcée
de façon affirmative, interrogative, agressive, ironique,
accompagnée d'un petit mouvement de la main signifiant “va
voir ailleurs”, ou encore le poing serré et
le pouce tendu vers le haut avec un regard et un sourire
de fierté.
Dans l'observation décrite plus haut, il est possible
de repérer un décalage très net entre
ces deux langages, digital et analogique. La crise du jeune
homme devient alors plus compréhensible par référence
au système de communication dysfonctionnelle dans
lequel il est pris.
Les théoriciens de l'approche systémique
ont élaboré trois axiomes fondamentaux :
1°) La communication est tissée par les réseaux
enchevêtrés des processus d'interactions et
de relations. En d'autres termes, l'échange que l'on
a avec une personne détermine le type de relation,
et réciproquement.
2°) Le deuxième axiome est que l'on ne peut
pas ne pas communiquer. Le silence et l'immobilité sont
déjà une forme de communication et peuvent être
très signifiants dans un contexte donné.
3°) Enfin le troisième axiome concerne le fait
qu'un système de communication dysfonctionnel peut
entraîner une pathologie psychique ou physique.
Cette approche a donné naissance à la thérapie
systémique. Les thérapeutes, après analyse
de la situation, aident la famille, ou le système, à rétablir
une communication souple, fluide et de qualité. La
pathologie qui n'a alors plus de raison d'être tend à disparaître
aussi vite qu'elle est venue.
Pour ceux que l'approche intéresse, je recommande
l'excellent ouvrage d'Edmond Marc et Dominique Picard : L'école
de Palo Alto. Edition Retz.
Cordialement,
Paul
Philippe
Equipe CORSICAfr
Inscrit le: 08 Nov 2003
Messages: 101
Posté le: 09 Mar 2005 8:41 Sujet
du message:
Merci Paul pour cet exposé. Beaucoup de choses très
intérressantes, on peut espérer que chacuns
puisent dans ces sources pour corriger certaines erreurs "d'expression" et
eviter autant que possible de créer des situations
de "mauvaises communications".
_________________
Modérateur
Pour
accéder directement au forum... |