En d’autres termes, lorsque l’on
est aux prises avec une situation problématique, c’est
bien souvent le regard que l’on porte sur ses difficultés
qui génère toute une gamme d’émotions
négatives (stress, révolte, colère, auto-accusation,
dépression...)
Il est rassurant de savoir qu’il
est toujours possible de modifier notre perception du monde par
le biais d’un travail sur soi, facilité par la pratique
de techniques de santé.
Il est également possible de modifier
son point de vue grâce à l’éclairage
que des personnes extérieures peuvent nous apporter, grâce à leur
expérience.
C’est là l’objectif de ce
forum : apporter avec bienveillance et sans jugement négatif
une aide et des conseils qui peuvent être précieux
pour modifier le regard que l’on porte sur soi, sur les autres
et sur le monde.
Paul Zveguinzoff, psychologue,
psychothérapeute,
Coordinateur de l'association Espace
Création Bien-être et de son action Ado
SOS
P.S. Pour ceux qui souhaitent
en savoir plus sur la relation d'aide psychologique, voici un
texte de synthèse
sur les points communs entre les différents modèles
de psychothérapie. J'espère qu'il vous intéressera.
Le but de toute thérapie, par delà la
connaissance de soi et son épanouissement personnel, ne
serait-elle pas de devenir son propre thérapeute et de retrouver
l’enthousiasme ? (du grec enthousiasmos : transport divin,
retrouver Dieu en soi).
D’après Paul Watzlavick, quand
on est en thérapie, le problème c’est quoi
? C’est qu’on est en thérapie. Et la solution
c’est de ne plus en avoir besoin.
L'idée de travailler sur les convergences
entre les différentes psychothérapies, m'est venue
de l'observation des luttes fratricides, plutôt attristantes,
auxquelles j'ai assisté. Avec, à la base de mes réflexions
un constat : si chacun de ces modèles continue à exister,
c'est qu'il donne des résultats. Et si chacun donne des
résultats, c'est qu'il y a des points communs entre tous,
par delà leurs différences et leurs particularités.
Aussi, m'est-il apparu intéressant de
les explorer afin de mettre en lumière ce qui marche en
psychothérapie. Quels y sont les ingrédients actifs
?
Pour saisir le sens de chaque
terme technique utilisé, je vous propose de faire un bref détour
par l'étymologie (grec : ethumos = vrai et logos = science)
afin d'en identifier la racine.
Chaque élément commun aux différents
courants de psychothérapie y sera passé en revue.
Par commodité, pour la lisibilité de
cet essai, nous parlerons de la thérapie individuelle, bien
que ce qui suit puisse également s'appliquer à la
thérapie familiale et à la thérapie de groupe.
Commençons donc par une analyse descriptive
de la psychothérapie (grec : psukhê = âme ;
therapeuein = soigner) :
Il s'agit d'une expérience existentielle
d'interactions subjectives et constructives tant pour le consultant
que pour la personne qui vient consulter. Deux individus s'enrichissent
mutuellement de l'expérience de l'autre.
Celui qui prend rendez-vous
fait la démarche
personnelle de se débarrasser de ses difficultés.
Il confronte sa vision du monde et de lui-même au regard,
supposé éclairé, du soignant.
Dans ce contexte se tisse
un échange
de conceptions subjectives de l'univers et de la façon de
fonctionner au mieux en interaction avec lui.
L'objectif de la personne
est de reconstruire une relation avec elle-même, les autres et le monde qui lui
soit plus facile à vivre, de meilleure qualité ;
se débarrasser d'angoisses ou de troubles psychosomatiques
(grec soma, somatos = corps) ; retrouver un état de santé psychique
et physique (latin : sanitas = état de celui qui est sain).
Le cadre de la psychothérapie relève
d'une éthique (grec : ethicos = morale) et d'un code déontologique
(grec : deon, ontos = ce qu'il faut faire ; logos = discours).
Ceux-ci concernent le lieu , l'horaire, la durée, la fréquence
et le paiement des consultations. L'éthique et la déontologie
englobent également le mode d'intervention spécifique
du thérapeute et dicte le type de relation d'aide psychologique
qu'il a avec le consultant. Ces éléments sont déterminés
par l'enseignement qu'a reçu le thérapeute par l'école
qui l'a formé.
L'une des règles basiques de toute psychothérapie
est constituée par l'interdiction d'un passage à l'acte,
agressif ou sexuel des deux protagonistes. Toutefois, certaines écoles,
essentiellement américaines, travaillent sur la dimension
de plaisir, grâce au contact physique et notamment aux massages,
ce qui a donné lieu à certaines transgressions de
cette loi générale, sous couvert d'une théorisation
des plus discutables. Même en occident, le sacro-saint divan
des psychanalystes, à force d'être le lieu de l'expression
de la sexualité, a connu quelques dérapages plutôt
incontrôlés. Bien sûr, un passage à l'acte
est condamnable, discrédite et jette le thérapeute
sur le banc des accusés. La transgression de la loi promulguée
remet en question l'intégrité et la moralité du
soignant et ne peut être que du ressort de la justice.
D'autant que s'élabore au fur et à mesure
des séances une relation affective et transférentielle
entre les deux protagonistes. Cette relation induit d'une certaine
manière une régression (latin : regressio = retourner
en arrière). La personne se retrouve dépendante du
thérapeute, de son savoir, de son mode d'intervention et
du cadre fixé dans les séances.
Quelle que soit son orientation,
le thérapeute
est perçu comme faisant autorité dans la discipline
qu'il incarne. Comme diraient les systémiciens, il est en
position haute alors que le client est en position basse.
Son travail (on pourrait
presque parler de vocation) consiste à apporter son aide à celui qui vient le
trouver. Les deux protagonistes élaborent a priori ensemble
une relation complémentaire visant à trouver des
solutions aux difficultés du client.
Par opposition à cette interaction (cette
influence réciproque), la relation symétrique se
résume à une lutte pour le pouvoir entre deux ou
plusieurs individus.
Certaines orientations psychothérapeutiques
utilisent la symétrie dans une perspective stratégique
de changement.
Envisageons maintenant les
présupposés
qu'engendre le cadre de la thérapie :
Le présupposé de base me semble être
le fait que le thérapeute entretient la croyance qu'il a
la possibilité d'apporter l'aide dont la personne a besoin.
S'il n'en est pas convaincu, conformément à son éthique,
il adressera la personne à l'un de ses confrères
mieux armé pour faire face au problème.
La personne qui consulte
a l'espoir de trouver grâce à son travail psychothérapeutique des
moyens d'être soulagée de ses difficultés.
Elle est cependant confrontée à des résistances
au changement qui lui ont interdit de trouver seule une solution à ses
conflits. C'est la raison de sa présence auprès d'un
spécialiste.
A travers les différentes approches,
un autre présupposé est l'existence de l'inconscient.
Bien sûr, en fonction des écoles, cet inconscient
donnera lieu à divers modes d'intervention.
Quoi qu'il en soit, comme
dans toute relation interpersonnelle, il y a communication entre
les consciences et les inconscients des protagonistes, et ce,
de façon réflexive,
circulaire et croisée. La conscience de la personne communique
avec son propre inconscient, ainsi qu'avec la conscience et l'inconscient
du thérapeute. Il en est de même pour l'inconscient
et pour les deux protagonistes.
Par ailleurs dans toute communication
s'observe un langage digital (verbal) et analogique (comportements,
attitudes, gestuelle, mimiques, ton de la voix, émotion dégagée,
etc.) Il est clair que cette dimension analogique manque aux échanges
que nous avons sur le forum...
À travers les différentes
approches thérapeutiques, le corps et l'esprit sont envisagés
dans un continuum. La majeure partie des psychothérapeutes
en sont d’accord, les symptômes physiques constituent
autant de moyens qu'a l'inconscient pour adresser des messages à soi
et aux autres. Au travers des symptômes, l’objectif
de l’inconscient peut se résumer à mettre à la
lumière de la conscience tel conflit ou tel paradoxe vécu
par l'individu.
Enfin, un autre présupposé commun à toutes
les thérapies est que l'individu possède en lui-même
les ressources pour opérer un changement.
Le thérapeute fait office de guide pour
donner les moyens à la personne d'utiliser ses potentialités.
Il l'encourage à exprimer ouvertement ses sentiments, affects
et émotions, ce qui lui vient à l'esprit dans l'ici
et maintenant de la séance.
Focalisons-nous à présent sur
la relation psychothérapeutique :
De façon explicite ou implicite, le thérapeute
offre son écoute (latin : auscultare = prêter l'oreille
pour entendre [latin : entendere = appliquer son esprit]).
Il est centré sur ce que la personne
exprime dans une attitude de bienveillance, de respect, de réceptivité (latin
: recipere = accepter, prendre ce qui est offert) et de compréhension
(latin : comprendere = renfermer en soi). En d'autres termes directement
issus de l'étymologie, le thérapeute applique son
esprit, accepte ce qui est offert et le renferme en soi.
De ces éléments émerge
une loi : le secret professionnel que le thérapeute doit
garder. La dérogation de ce précepte doit toutefois être
envisagée lorsque le secret menace la sécurité d'un
autre individu (ex : un attentat sur une personne) ou l'équilibre
d'un enfant (ex : en cas d'inceste ou de pédophilie). Le
thérapeute est alors tenu de se délivrer de son secret
et de s'adresser à la justice afin de cesser d'être
le complice silencieux d'un criminel.
En dehors de ces cas extrêmes, le contexte thérapeutique constitue
une invitation à une permissivité par rapport à l'énonciation.
Le consultant peut tout dire
car le thérapeute
ne porte pas de jugement de valeur.
Il peut s'exprimer dans un contexte de confiance
(latin : confidentia = communication d'un secret), de sympathie
(grec : sumpatheia : sun = avec ; pathein = ressentir) et d'empathie
(grec : empathein : en = dans ; pathein = ressentir).
L'attitude du thérapeute témoigne
de congruence (latin : congruus = qui convient à une circonstance
donnée), de consistance (latin : consistere = se tenir ensemble)
voire de compassion (latin : cum = avec ; pati = souffrir). Cette
attitude ouvre à une communication (latin : communicari
= s'associer à) dont l'émotion sera contenue.
A mon sens, un bon thérapeute, de façon
consciente ou inconsciente, se synchronise avec celui qu'il reçoit.
Il se modèle affectivement et comportementalement à l'autre
; est attristé par son désespoir, se réjouit
de ses progrès...
Cette synchronisation se
calque sur le mode d'être de la personne qu'il a en face de lui, ce qui favorise
la création d'une alliance thérapeutique. Cette alliance
permet d'aborder un processus de changement, grâce au rapprochement
affectif qui se construit au fil des séances entre les deux
protagonistes.
Étudions à présent
les caractéristiques de l'intervention thérapeutique.
En fonction de l'enseignement
reçu, est élaborée
une stratégie thérapeutique. Celle-ci est spécifiquement
adaptée à la personne et à ses difficultés.
Avec l'anamnèse (l'histoire de la maladie) le thérapeute
explore un terrain inconnu, découvre les écueils,
les gouffres ou les sables mouvants dont la personne a été victime.
Il identifie les pièges et poursuit son exploration, à la
recherche du trésor de ressources qu'il pourra mettre à jour
et offrir à la personne qui s’en croit démunie.
Par rapport aux informations
qu'il estime signifiantes, le thérapeute renvoie une certaine métacommunication,
de façon métaphorique ou littérale ; il communique
son analyse du message reçu. Cette métacommunication
est le fruit de son expérience, son intuition et bien sûr
de sa subjectivité. Elle prend la forme d'une reformulation
qui aboutit à un recadrage, un changement de perspective
amenant la personne à envisager ses difficultés de
façon nouvelle, différente.
Cette communication vise à faire sens,
et à créer une motivation nouvelle de se débarrasser
de ses troubles. Elle donne à la personne qui consulte de
bonnes raisons de fonctionner d'une façon qui lui soit moins
douloureuse et plus adaptée quant à son mode d'être
idéal. Ce mode d'être est parfois défini avec
le thérapeute, sous la forme d'un objectif, ou d'un contrat,
ce qui permet une économie de temps et d'énergie.
La dynamique relationnelle est basée sur l'espoir de voir
sa condition s'améliorer.
L'objectif thérapeutique, l'enjeu pour
le thérapeute, est de faire accéder la personne à une
restructuration de ses potentialités. L'aider à utiliser
ses propres ressources conscientes mais surtout inconscientes.
Les symptômes constituent souvent des
situations paradoxales pour l’individu. A la fois, ils l’empêchent
de s’adapter à une situation et en même temps
ils l’y contraignent. Le paradoxe de la situation symptomatologique
est hérité d'un système de croyances contre-adaptatif.
Le thérapeute invite la personne à adopter
un système de croyances qui soit plus adapté à la
réalisation des aspirations de son client.
Deux processus distincts
et complémentaires
sont à l’œuvre dans toutes les thérapies,
y compris dans les démarches de type psychanalytique :
* Celui de modification de
l'état de
conscience. Il semble graver en mémoire consciente et inconsciente
de nouveaux apprentissages avec plus de facilité ; donner
accès à de nouvelles ressources, à un nouveau
mode d’être.
* Et celui de suggestion,
(latin : suggerere = procurer) qu'elle soit directe ou indirecte,
concrète
ou abstraite, réelle ou métaphorique. La suggestion
est partout, même dans le plus nu des silences, dans le plus
subtil mouvement, tout comme d'ailleurs dans son absence.
De la même façon que l’on
ne peut pas ne pas communiquer, on ne peut pas, ne pas suggérer.
La suggestion est un peu comme la sève de toute communication.
L'essentiel est de suggérer avec intégrité.
Pour donner les moyens à la personne
de résoudre ses difficultés, grâce à toutes
ces techniques et avec le temps, le thérapeute amène
la personne à augmenter sa motivation de se débarrasser
de ses symptômes. L'espoir de soulager ses maux constitue à la
base une motivation potentielle que le soignant peut utiliser comme
un puissant levier thérapeutique.
Erickson, l'un des plus remarquables
thérapeute
américain l'a bien compris. Il estime dans un article rédigé en
1959 que : " L'aspect psychologique de la médecine
constitue son art et transforme le médecin d'un habile mécanicien
ou technicien en un être humain dont on a besoin, source
de vérité, d'espoir, d'assistance, et plus important
encore, de motivation pour accompagner le patient vers la santé physique
et psychique, et le bien-être."
Il incombe donc au praticien
d'utiliser toute sa créativité pour susciter la motivation du client à espérer
ce changement, ne serait ce qu'inconsciemment.
D'ailleurs, cette motivation
n'est-elle pas déjà présente à l'esprit de la personne
en difficulté lorsqu'elle rêve, avant même la
première séance, d'une vie débarrassée
de ses problèmes et de son besoin de consulter un psychothérapeute
?
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